TikTok et hip-hop : des Chinoises donnent un coup de neuf au kung-fu

Les arts martiaux sont en Chine un domaine très masculin et les combattants les plus connus sont des hommes. Situé dans la province du Sichuan (sud-ouest du pays), le verdoyant mont Emei est le berceau d'une branche ancienne du kung-fu, objet de nombreuses légendes et réputée accueillir une proportion plus élevée de femmes. Longtemps peu familiers des nouvelles technologies, ses adeptes ont d'abord eu du mal à gagner en popularité. Mais cela est en train de changer grâce à un groupe de femmes de moins de 30 ans, qui mêlent dextérité dans le maniement du sabre et des bâtons tout autant qu'avec les smartphones et les réseaux sociaux. Objectif: redonner de la visibilité au kung-fu d'Emei. "Depuis petite, j'ai toujours aimé les arts martiaux (...) Je trouvais que les filles qui apprenaient ça étaient super stylées", déclare Duan Ruru, 23 ans. Le kung-fu d'Emei "a une grande importance dans l'histoire" et donc "mérite d'être diffusé", affirme à l'AFP la jeune femme, membre des "Emei Kung Fu Girls" ("Troupe féminine de la branche de kung-fu d'Emei", en chinois). Ce groupe de neuf femmes enregistrent des vidéos très soignées d'elles-mêmes, en train d'exécuter des scènes de combat ou encore des figures acrobatiques, par exemple devant le Louvre à Paris, souvent accompagnées de rythmes de hip-hop. - Réseaux sociaux - Depuis leurs débuts en avril 2024, elles ont accumulé plus de 23 millions de vues et dépassé le million d'abonnés sur Douyin, la version chinoise de TikTok. Le mont Emei est réputé en Chine pour ses sommets pittoresques plongés dans la brume. La branche locale d'art martial trouve son origine dans l'ancienne philosophie taoïste et a évolué en une forme de défense au fil des différentes guerres qui ont frappé la région. L'importance de cette école a diminué avec la modernisation des armes et la répression opérée durant la Révolution culturelle (1966-1976) contre la culture traditionnelle. Mais ces politiques se sont ensuite assouplies. Et en 2008, le gouvernement a inscrit l'art martial d'Emei sur la liste du patrimoine culturel immatériel, ouvrant ainsi l'accès à des financements pour développer la discipline. Avec des résultats mitigés: en 2023, les autorités locales ont reconnu que cette pratique souffrait d'un "manque de reconnaissance parmi les touristes ainsi que d'une diffusion limitée". Un maître local de kung-fu, Wang Chao, représentant de l'art martial d'Emei au niveau national, explique que le secteur dépend encore largement des subventions publiques. Mais les vidéos des "Emei Kung Fu Girls" ont été "très efficaces" pour faire connaître cet art à un public plus large, déclare-t-il à l'AFP. "Toute la promotion autour des arts martiaux d'Emei est aujourd'hui bien plus active qu'auparavant", explique-t-il. - "Libres d'esprit" - Par rapport aux générations précédentes, Duan Ruru, membre des "Emei Kung Fu Girls", estime que les jeunes d'aujourd'hui "préfèrent être indépendants et libres d'esprit" et accordent moins d'importance aux objectifs traditionnels comme le mariage. Elle dit ainsi vouloir privilégier sa carrière dans le kung-fu. D'autres élèves nourrissent également des ambitions, comme Ren Nianjie, 17 ans, qui espère étudier les arts martiaux à l'université. "Je veux devenir athlète (...) et remporter des honneurs pour mon pays", confie-t-elle à l'AFP, après avoir fait tournoyer un long bâton de bois autour de son buste. L'image légendaire des combattantes d'Emei provient en grande partie des romans à succès de l'écrivain chinois Jin Yong. Les garçons restent toutefois ici plus nombreux que les filles, même si l'écart est moins marqué que dans d'autres écoles. Dans un centre de formation local d'arts martiaux, sept jeunes filles âgées d'une dizaine d'années s'entraînent avec des garçons. Une mère de famille, Zhu Haiyan, 41 ans, déclare que sa fille Guoguo a plus d'assurance depuis qu'elle a commencé ses cours de kung-fu. "Les filles qui ont confiance en elles sont moins timides", affirme-t-elle. Avec les autres membres de la troupe, Duan Ruru dit espérer pousser davantage de femmes à pratiquer les arts martiaux: "Peut-être que certaines me verront m'entraîner et trouveront ça intéressant, cool, et seront tentées d'apprendre."

Mar 13, 2025 - 11:00
TikTok et hip-hop : des Chinoises donnent un coup de neuf au kung-fu

Les arts martiaux sont en Chine un domaine très masculin et les combattants les plus connus sont des hommes.

Situé dans la province du Sichuan (sud-ouest du pays), le verdoyant mont Emei est le berceau d'une branche ancienne du kung-fu, objet de nombreuses légendes et réputée accueillir une proportion plus élevée de femmes.

Longtemps peu familiers des nouvelles technologies, ses adeptes ont d'abord eu du mal à gagner en popularité. Mais cela est en train de changer grâce à un groupe de femmes de moins de 30 ans, qui mêlent dextérité dans le maniement du sabre et des bâtons tout autant qu'avec les smartphones et les réseaux sociaux.

Objectif: redonner de la visibilité au kung-fu d'Emei.

"Depuis petite, j'ai toujours aimé les arts martiaux (...) Je trouvais que les filles qui apprenaient ça étaient super stylées", déclare Duan Ruru, 23 ans.

Le kung-fu d'Emei "a une grande importance dans l'histoire" et donc "mérite d'être diffusé", affirme à l'AFP la jeune femme, membre des "Emei Kung Fu Girls" ("Troupe féminine de la branche de kung-fu d'Emei", en chinois).

Ce groupe de neuf femmes enregistrent des vidéos très soignées d'elles-mêmes, en train d'exécuter des scènes de combat ou encore des figures acrobatiques, par exemple devant le Louvre à Paris, souvent accompagnées de rythmes de hip-hop.

- Réseaux sociaux -

Depuis leurs débuts en avril 2024, elles ont accumulé plus de 23 millions de vues et dépassé le million d'abonnés sur Douyin, la version chinoise de TikTok.

Le mont Emei est réputé en Chine pour ses sommets pittoresques plongés dans la brume.

La branche locale d'art martial trouve son origine dans l'ancienne philosophie taoïste et a évolué en une forme de défense au fil des différentes guerres qui ont frappé la région.

L'importance de cette école a diminué avec la modernisation des armes et la répression opérée durant la Révolution culturelle (1966-1976) contre la culture traditionnelle.

Mais ces politiques se sont ensuite assouplies. Et en 2008, le gouvernement a inscrit l'art martial d'Emei sur la liste du patrimoine culturel immatériel, ouvrant ainsi l'accès à des financements pour développer la discipline.

Avec des résultats mitigés: en 2023, les autorités locales ont reconnu que cette pratique souffrait d'un "manque de reconnaissance parmi les touristes ainsi que d'une diffusion limitée".

Un maître local de kung-fu, Wang Chao, représentant de l'art martial d'Emei au niveau national, explique que le secteur dépend encore largement des subventions publiques.

Mais les vidéos des "Emei Kung Fu Girls" ont été "très efficaces" pour faire connaître cet art à un public plus large, déclare-t-il à l'AFP.

"Toute la promotion autour des arts martiaux d'Emei est aujourd'hui bien plus active qu'auparavant", explique-t-il.

- "Libres d'esprit" -

Par rapport aux générations précédentes, Duan Ruru, membre des "Emei Kung Fu Girls", estime que les jeunes d'aujourd'hui "préfèrent être indépendants et libres d'esprit" et accordent moins d'importance aux objectifs traditionnels comme le mariage.

Elle dit ainsi vouloir privilégier sa carrière dans le kung-fu.

D'autres élèves nourrissent également des ambitions, comme Ren Nianjie, 17 ans, qui espère étudier les arts martiaux à l'université.

"Je veux devenir athlète (...) et remporter des honneurs pour mon pays", confie-t-elle à l'AFP, après avoir fait tournoyer un long bâton de bois autour de son buste.

L'image légendaire des combattantes d'Emei provient en grande partie des romans à succès de l'écrivain chinois Jin Yong.

Les garçons restent toutefois ici plus nombreux que les filles, même si l'écart est moins marqué que dans d'autres écoles.

Dans un centre de formation local d'arts martiaux, sept jeunes filles âgées d'une dizaine d'années s'entraînent avec des garçons.

Une mère de famille, Zhu Haiyan, 41 ans, déclare que sa fille Guoguo a plus d'assurance depuis qu'elle a commencé ses cours de kung-fu.

"Les filles qui ont confiance en elles sont moins timides", affirme-t-elle.

Avec les autres membres de la troupe, Duan Ruru dit espérer pousser davantage de femmes à pratiquer les arts martiaux: "Peut-être que certaines me verront m'entraîner et trouveront ça intéressant, cool, et seront tentées d'apprendre."